Edito
Croire les autres sur parole : la responsabilité de notre crédulité
07.09.2006 20:49 par Maryse Legrand
Alors, nous négocions les virages nécessaires et nous envisageons les changements qui s’en suivent avec plus ou moins de bonheur, de facilité et de capacité d’ouverture.
« Oui, je crois les autres sur parole, puisque je suis quelqu’un de parole ! »
Ce raisonnement a ses attraits et ses charmes, j’en conviens, mais que vaut-il à l’épreuve de la réalité et à la longue ?
Que je sois une personne fiable ou que je m’efforce de l’être, quand je dis quelque chose, ne garantit pas ipso facto, à ce que je sache, la fiabilité et la validité de ce qui m’est dit. Et s’il m’arrive de reprendre à mon compte des propos qui m’ont été rapportés, sans les vérifier ni m’assurer de leur validité, c’est bien moi qui suis responsable de me les être appropriés et de ce que je vais colporter à mon tour (quels que soient les motifs que j’évoque). Je suis bel et bien responsable d’avoir cru ce qui m’a été dit et des actes que j’ai engagés à partir de là.
Depuis le temps que je pratique la méthode ESPERE j’ai acquis quelques réflexes pour mon usage personnel : il y a ce qui m’est dit, ce que j’ai entendu et ce que j’en fais. D’ailleurs, à ce jour je ne dis plus « Vous m’avez dit que… » mais « dans ce que vous m’avez dit, j’ai entendu que… » ce que j’abrège souvent sous la forme contractée « j’ai entendu ».
J’ai aussi pris des tics de langage et de réponse. Si une personne qui s’adresse à moi, se plaint ou s’offusque d’avoir été trahie ou trompée par quelqu’un et qu’elle s’évertue à me convaincre du bien-fondé de sa réaction - vu qu’à ses yeux, le susnommé est un « vrai lâche, un égoïste » ou que sais-je ? - je peux, dans certains cas, attirer son attention sur sa responsabilité dans cette histoire (ceci, non pas pour la culpabiliser mais pour lui faire prendre conscience de sa co-participation):
J’ai aussi pris des tics de langage et de réponse. Si une personne qui s’adresse à moi, se plaint ou s’offusque d’avoir été trahie ou trompée par quelqu’un et qu’elle s’évertue à me convaincre du bien-fondé de sa réaction - vu qu’à ses yeux, le susnommé est un « vrai lâche, un égoïste » ou que sais-je ? - je peux, dans certains cas, attirer son attention sur sa responsabilité dans cette histoire (ceci, non pas pour la culpabiliser mais pour lui faire prendre conscience de sa co-participation):
« Il ou elle vous a dit ceci ou cela et vous l’avez donc cru(e) ! »
« Il ou elle vous a promis que… et vous vous êtes laissé promettre … »
« Il ou elle vous a raconté des histoires ou des bobards et vous vous en êtes laissé conter… »
Je constate que peu de personnes sont prêtes à entendre ces propos avec un minimum de recul voire… d’humour, à s’en ressaisir et à rebondir, en acceptant d’interroger les illusions trompeuses qu’ils démasquent et la fonction qu’elles ont rempli jusque là.
- Il m’a roulé dans la farine… Elle m’a embobinée…
- Vous étiez donc enfarinable ou embobinable ?
La plupart du temps, pareilles interpellations choquent, irritent, ou sont même insupportables. Elles donnent lieu à chaud, à des réactions de prestance ou de défense et à des ripostes parfois virulentes. J’en vois qui se braquent et se cabrent et montent sur leurs grands chevaux. Je ne m’attire pas que des sympathies avec mes remarques ! Qu’il nous est difficile de répondre de notre crédulité (d’en prendre la responsabilité) !
Il y a celles et ceux qui restent sourds au message. Ils vivent les échanges comme des situations de contrainte dans lesquelles ils n’ont aucun espace de liberté, aucune marge de manœuvre.
« J’étais bien obligé de la croire, je ne vois pas comment j’aurais pu faire autrement !»
« Elle m’a pris dans le piège de ses filets. »
« Il m’avait promis que… je ne l’invente pas… il me l’avait même écrit… je peux vous apporter la preuve…. J’ai gardé sa lettre… »
Il y a celles et ceux qui rejettent aussitôt la faute sur l’autre.
« Ben oui, je l’ai cru… Il sait tellement bien baratiner les gens ! C’est un beau parleur vous savez !»
« Ce n’est pas moi qui l’ai cru, c’est lui qui m’a fait croire ! »
Il y a celles et ceux qui se sentent remis en cause d’une façon ou d’une autre.
« Dites-moi que je suis un imbécile heureux qui gobe tout ce qu’on lui raconte, pendant que vous y êtes ! »
« Si je comprends bien, vous êtes en train de me dire que je suis née de la dernière pluie ! »
Et puis celles et ceux qui s’accrochent au mythe de la similitude dans les relations, en dépit des avertissements, des rappels à l’ordre et des démentis que la vie de relation apporte à leur façon de voir.
« Quand je m’avance à dire quelque chose, j’ai bien réfléchi, alors forcément, j’imagine que les autres font pareil ! Je ne comprends pas comment on peut répondre à la légère ! Si c’est pour dire des conneries, il vaut mieux se taire !»
« Je m’applique et je m’efforce de vérifier ce que j’écris et je ne supporte pas que des gens puissent écrire n’importe quoi ! »
Je précise bien mon propos : je ne prône ni la méfiance généralisée, ni la vérification systématique. Je rappelle simplement que dans certains cas, nous pouvons nous laisser entraîner à croire ce qui nous est dit « sur parole » et que cette attitude peut porter à conséquence et impliquer d’autres personnes (rumeurs colportées, fausses accusations portées ou réclamations indûment envoyées). Pouvons-nous alors juste admettre, après-coup, notre part de responsabilité dans le déclenchement et/ou l’enchaînement des événements qui en découlent ?
En de nombreuses circonstances, l’altérité nous altère et toute croyance en matière de relation, fondée essentiellement sur l’a priori d’une symétrie chez l’autre (« Moi je suis ou je fais comme ceci et je pars du principe que c’est pareil pour l’autre ») devrait nous alerter. Il y a une antinomie foncière entre « l’autre » et « le même », que nous le voulions ou non, que nous en soyons blessés, heurtés ou que nous sachions tirer notre épingle de ce jeu de la diversité qui est le propre du vivant. Les relations humaines nous confrontent plus souvent à la différence, qu’elles ne nous bercent dans le ronronnement de la semblance. Un minimum de lucidité et une relative tranquillité d’esprit s’acquièrent au prix de cette acceptation et de notre capacité à pouvoir revisiter nos croyances et nos illusions en trompe-l’œil, lorsqu’il s’avère qu’elles ont fait leur temps et qu’elles demandent à être remplacées par d’autres, qu’il nous faudra sans doute actualiser à nouveau un jour, et ainsi de suite…
Maryse Legrand, maryselegrand@orange.fr
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